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Le grand orgue de Louviers est sorti du silence

Le Grand orgue de tribune Maurice Duruflé a été inauguré ce samedi 20 septembre 2025 lors des Journées du patrimoine devant une église comble. À cette occasion, le maire, François-Xavier Priollaud, a rappelé l’histoire de cette restauration exceptionnelle. Vous trouverez ci-après l’intégralité de son intervention.

« Voilà tant d’années, je devrais même dire plusieurs décennies, que nous attendons ce moment. Quelle joie et quelle émotion de nous voir réunis si nombreux, dans cette belle église Notre-Dame, presque trop petite, pour vivre tous ensemble la renaissance du Grand orgue de tribune, le grand orgue Maurice Duruflé. 

Quoi de mieux que les journées européennes du patrimoine pour célébrer le retour à la vie d’un instrument d’exception, joyau du patrimoine lovérien, qui fait la fierté de notre ville. 

Un orgue du XVe siècle

L’existence d’un orgue dans notre église remonte au XVe siècle ; très exactement en 1468 si l’on en croît les écrits du curé de l’époque, Jacques Pelet. Après la Révolution française, le Directoire autorisa Louviers à acquérir l’orgue de l’abbaye voisine de Bonport, au titre des « biens nationaux ».   L’histoire de l’orgue nous apprend qu’il n’en est pas à sa première renaissance !

Déjà au XIXe siècle, l’orgue a connu de multiples réparations et l’instrument a évolué au fil du temps. Alors que l’industrie drapière connaît son âge d’or à Louviers, il est fait appel aux frères Abbey pour reconstruire l’orgue de tribune. Le concert inaugural – comme pour nous aujourd’hui – a lieu le 31 mai 1894.  L’orgue comprend alors 44 jeux sur trois claviers de 56 notes, un pédalier de 30 notes et 16 pédales d’accessoires.

En 1919, avec l’arrivée de l’électricité, l’orgue est doté d’une turbine électrique qui vient remplacer les deux souffleurs.

C’est à cette époque que Maurice Duruflé, l’enfant de Louviers, devient le maître de l’orgue. Il est le titulaire de 1921 à 1935. Alors qu’il est élève au conservatoire de Paris, il initie à son tour des travaux de restauration qui donneront lieu à une nouvelle bénédiction et à un nouveau concert inaugural en 1926. Je salue la présence parmi nous aujourd’hui, de Jean-Martin Chevalier, petit neveu de Maurice Duruflé.

Quand, durant la second guerre mondiale, Louviers est victime de bombardements aériens en juin 1940, le grand orgue échappe fort heureusement à l’incendie tout proche ; mais il en devient inutilisable. C’est une nouvelle fois Maurice Duruflé qui, à la demande du chanoine Baudoin, va procéder aux réparations qui seront confiées, au cours des années 1941 et 1942 à la Maison Debierre-Gloton de Nantes, sous la direction de Joseph Beuchet. 

Cette troisième renaissance de l’orgue date du 14 juin 1942 ; elle est l’œuvre de Maurice Duruflé et  de Simone Bouvier, alors titulaire de l’instrument.

Le dernier relevage de l’orgue datait de 1972. L’instrument sera quelques années plus tard, en 1977, inscrit  au titre des Monuments historiques pour sa mécanique représentative de la facture de la seconde moitié du XIXe siècle.  Depuis 50 ans, l’orgue de Notre-Dame n’avait plus fait l’objet de réparations et n’était même plus jouable depuis le début des années 2000. 

Un chantier de restauration exceptionnel

C’est un chantier de restauration d’une ampleur exceptionnelle qui vient de s’achever. Il aura duré près de quatre années. Une étude préalable a été remarquablement menée par Thierry Semenoux, technicien conseil auprès du ministère de la culture. Il a en effet fallu apprendre à connaître toutes les caractéristiques techniques propres à l’instrument, mais également à découvrir les particularités cachées de sa construction, à les comprendre et à en connaître les raisons. 

C’est lors du démontage de l’orgue puis dans les ateliers des facteurs d’orgue que l’instrument a révélé tous ses secrets et que le projet de restauration s’est affiné au fur et à mesure des travaux. 

2884 tuyaux ont été démontés et nettoyés un à un, des touches du clavier aux soufflets, des réglettes aux vergettes. 

Je tiens, au nom de la municipalité, à remercier et à féliciter chaleureusement, tous les artisans de cet incroyable aventure : la manufacture d’orgue Robert Frères, les facteurs et techniciens, le facteur d’orgue Jean Daldosso et l’ensemble des intervenants de ce chantier. Merci aux services techniques de la Ville, avec une mention spéciale pour Michael Culotta. Mes remerciements s’adressent également à Jean Bortolussi, architecte en chef des monuments historiques, et à Thierry Semenoux.

La renaissance de l’orgue, c’est avant tout une œuvre collective qui marque l’attachement que nous portons au patrimoine et notre volonté tenace de le faire vivre. 

Rien n’aurait été possible sans vous tous : Bien sûr, les financeurs à commencer par l’Etat dont la contribution aura été décisive, dans le cadre du plan de relance, pour que ce projet, impossible il y a encore quelques années puisse aboutir.  Ce sont en effet, au total, près de 900 000 euros qui ont été investis par la Ville de Louviers et ses partenaires. Merci à la Région Normandie, au Département de l’Eure, à l’Agglomération Seine-Eure et à la Fondation du Patrimoine qui portent avec la ville, dans le temps long, cette belle entreprise de restauration de l’église et aujourd’hui de son orgue emblématique. 

Je veux aussi remercier les généreux mécènes, souvent très discrets, qui nous aident beaucoup. Je pense à l’Académie des beaux-arts, à la famille Montagne et aux nombreux donateurs de la Clé de voute. Je veux aussi saluer le leg exceptionnel de Coralie Rouger, lovérienne décédée en 2019, d’un montant de 250 000 euros dont une partie est destinée à l’église de Louviers. 

Tout cela, c’est une affaire de passionnés et d’amoureux du patrimoine. Nous avons une chance immense à Louviers de pouvoir compter sur des associations qui ont le patrimoine chevillé au corps et au cœur. Je pense en particulier à la Société d’Etudes Diverses (SED) cher Claude Cornu, et bien sûr à l’association la Clé de voûte et ses membres qui font vivre notre patrimoine, cher Bruno Foulkes.

Nous avons aussi la chance immense de pouvoir compter sur l’association des Amis de l’orgue de Louviers, cher Jean-Marie Houdayer, qui nous offre de magnifiques concerts avec sa « Bach Académie » et ce week-end un programme exceptionnel.

En effet, quel honneur et quel immense privilège d’accueillir à Louviers Thierry Escaich, organiste de la cathédrale Notre-Dame de Paris, mondialement connu.

Jamais des journées européennes du patrimoines n’ont aussi bien porté leur nom à Louviers. Une nouvelle page de la vie de l’orgue de l’église Notre-Dame s’écrit sous nos yeux mais surtout pour le plus grand plaisir de nos oreilles. 

Longue vie au Grand orgue Maurice Duruflé ! «