Louviers célèbre le 81e anniversaire de sa Libération

Ce lundi 25 août 2025, la Ville de Louviers commémorait le 81e anniversaire de sa Libération, en présence du Préfet de l’Eure Charles Giusti, du Sénateur Hervé Maurey, d’Anne Terlez, vice-présidente du Département. Le maire de Louviers, François-Xavier Priollaud, a rappelé le rôle de la Résistance dans son allocution.
» Il y a 81 ans, ce 25 août 1944 au petit matin, le cœur de Louviers se remit à battre. Les cloches sonnèrent. Les rues se remplirent. Des drapeaux tricolores flottèrent à nouveau aux fenêtres.
Dans les premières lueurs du jour, une patrouille américaine de reconnaissance emprunta la rue de l’Hôtel de ville. Elle fut suivie par les blindés canadiens de la 4e division, venus de la Haye-Malherbe, qui se dirigèrent vers Pont-de-l’Arche. Le lendemain, les Écossais du 15e régiment de reconnaissance scelleront la libération définitive de notre ville.
Ce 25 août 1944, après plus de quatre années passées dans l’obscurité, quatre années de souffrances et de privation, le vent de la liberté souffla de nouveau sur la cité drapière.
Mais ce vent-là, comme tous ceux qui bousculent l’Histoire, il s’était levé dans la tempête.
Depuis le 10 juin 1940, une très longue nuit était tombée sur Louviers. Sous les bombes, les flammes, la peur et l’exode. Rue Massacre, rue du Bal-Champêtre, rue de la Gare… Des pans entiers de la ville furent réduits en cendres. Une Kommandantur s’installa à l’Hôtel de ville. Le cœur de Louviers fut meurtri, comme le fut son âme.
Mais même au fond des ruines, une lumière résistait.
Cette lumière, ce fut celle de la Résistance.
Une lumière fragile mais indomptable, portée par des femmes et des hommes dont les noms habitent encore nos rues et nos consciences.
Je pense bien sûr au maire d’alors, Auguste Fromentin, imprimeur de tracts clandestins et du journal le Patriote de l’Eure.
Je pense à Odette Kuëne, arrêtée par la Gestapo chez elle, un matin de janvier 1944, et qui ne revint jamais de Ravensbrück.
Je pense à Pierre Hébert, fusillé à l’âge de 80 ans, pour avoir refusé que l’ennemi franchisse le seuil de sa maison.
Je pense à René Espinouse, qui prit sous son aile protectrice 84 enfants parisiens pour les mettre hors de danger.
Ce matin, nous pensons à toutes celles et ceux qui ont résisté sans gloire, sans armes parfois, mais avec l’inaltérable courage du cœur.
C’est à eux que Louviers doit sa Croix de Guerre, reçue en 1949.
Et en ce jour si important pour notre ville, je veux aussi saluer la mémoire de Gabrielle Lavolé, Eugène Sriber, Nelly Chambriard, Gabrielle Victor, Désir Fermanel et Félicie Massari, victimes de l’ultime bombardement allemand place du Champ de Ville, le soir même de la Libération. Eux ne verront pas l’aurore du lendemain.
Mesdames et Messieurs,
J’ai pour habitude de rappeler ici, au square Albert 1er, que commémorer, c’est bien plus que cocher la case d’une cérémonie du souvenir. Commémorer cela sert à comprendre, cela sert à transmettre, cela sert à éduquer. Vous me permettrez de remercier chaleureusement Jean-Pierre Duvéré, en charge depuis toutes ces années de l’organisation de nos cérémonies patriotiques. Merci Jean-Pierre de donner tout son sens au devoir de mémoire et de bâtir ces ponts entre les générations pour ne jamais oublier.
« Le passé est un prologue », écrivait Shakespeare. Un prologue qui éclaire notre présent, mais qui raisonne aussi de plus en plus comme un avertissement.
La génération de 1944 – elle est présente ce matin parmi nous – croyait en l’avenir parce qu’elle avait connu le pire. La génération de 2025, je veux parler de notre jeunesse trop souvent négligée, elle est anxieuse ; elle doute de demain le regard tourné vers la génération d’avant qui elle, avait hérité du meilleur.





Notre monde est de nouveau sur un fil. Il aura suffi de quelques années pour que tout change. Nos certitudes de la fin de la guerre froide semblent balayées. L’Europe traverse une crise existentielle. Les guerres ont le vent en poupe, et les démocraties sont plus fragiles que jamais, sur la défensive, vacillantes. La bascule du monde se produit sous nos yeux. Jeudi 4 septembre prochain à 20h30 au Moulin, nous recevrons à Louviers le professeur Bertrand Badie, spécialiste des questions internationales, pour une conférence exceptionnelle intitulée « Où va le monde ? ». Bertrand Badie est l’auteur de très nombreux ouvrage dont le dernier s’intitule « L’art de la Paix ».
La paix, qui devait être notre horizon, pourrait être reléguée au rang de nostalgie.
Nous ne pouvons pas nous y résigner. Nous sommes ici en Normandie, cette terre où la liberté a triomphé de la barbarie. Il y a 81 ans, des Américains, des Canadiens, des Britanniques, pour certains venus de Weymouth – ville jumelée avec Louviers –, traversaient la Manche pour nous libérer. La semaine prochaine, j’accueillerai à Caen l’expert de l’Unesco en vue de l’inscription des plages du Débarquement au patrimoine mondial de l’Unesco, pour une décision attendue au début de l’été prochain. Ce n’est pas un champ de bataille que nous voulons inscrire au patrimoine mondial de l’Unesco. Ce sont des valeurs universelles, à commencer par la liberté qui, comme la paix, n’est jamais un acquis.
Si vous vous intéressez à l’histoire du Débarquement, je vous invite à venir nombreux demain soir, à 18h30 à la mairie, salle Pierre Mendès-France, pour assister à la conférence des historiens Nicolas Aubin et Benjamin Massieu sur thème : « l’Eure dans la bataille de Normandie » proposée par l’association de Normandie des auditeurs de l’IHEDN, l’Institut des Hautes études de la Défense nationale, en partenariat avec la Ville.

Mesdames et Messieurs,
Quelles que soient les vicissitudes de la relation transatlantique ou l’ineptie du Brexit qui se confirme chaque jour qui passe, n’oublions jamais l’essentiel et ne fuyons pas nos responsabilités.
« La liberté est le droit de faire le bien », écrivait Montesquieu.
La liberté se défend, elle se mérite, elle nous concerne. Ce qui se joue en ce moment même, à nos portes, sur notre continent, nous engage pour des décennies. La liberté de l’Ukraine, c’est la nôtre, celle de notre Europe.
Ne laissons jamais les autres écrire notre propre Histoire.
Car la liberté que nous célébrons ce matin n’est pas un héritage figé dans le marbre. C’est une conquête permanente. Elle exige notre lucidité, notre vigilance et aussi du courage.
Ce que l’histoire de Louviers nous enseigne, ce que la Normandie incarne, ce que l’Europe espère encore, c’est qu’il ne suffit pas d’avoir été libérés — encore faut-il en être dignes. C’est notre responsabilité.
Vive la République !
Vive la France ! »